LA semaine de conférences dédiée à la RSE et à l'impact : CONVERSER (du 22 au 26 mai 2023).
L'évènement CONVERSER à pour but de faire vivre des moments conviviaux et porteurs de sens avec celles et ceux qui façonnent la RSE. Rencontrer des Directeur·rices et Responsables RSE, Développement Durable, Impact, Engagement, des Ressources Humaines... en avance sur leur temps, pour s'inspirer de leur vision et leurs expériences.
La première conférence de l'évènement CONVERSER, met en vedette Julie Liénard, Directrice Conseil RH chez Imagreen et Jean-François Connan, Directeur Impact Social et Environnemental chez Adecco Group, pour échanger sur la façon de conjuguer les attentes des collaborateurs en matière d'impact, de trajectoire et d'épanouissement.
Et voici la retranscription écrite :
Les premiers, ce sont ceux d'une étude qui a été réalisée par le MEDEF, Mouvement des entreprises de France. C'est une étude qui s'appelle attractivité des entreprises auprès des jeunes diplômés et très diplômés, qui date de février 2023 et deux chiffres nous ont interpellés à la lecture de cette étude.
76 % des jeunes considèrent que leur poste doit être en phase avec leurs valeurs et 2 tiers des jeunes ne veulent pas travailler dans une entreprise qui n'a pas d'impact positif.
Pour prendre le contre-pied de cette première étude, une seconde étude d'Universum, en 2022 a été réalisée toujours auprès de jeunes diplômés Bac+5 avec 2 129 sondés.
L'une des questions qui leur a été posée : Dans quelle mesure êtes-vous susceptibles d'accepter un emploi dans une entreprise qui ne correspondrait pas à vos valeurs ? 59 % des sondés répondent que si la rémunération ou le poste proposé les intéressent, ils accepteront quand même le poste.
On voit quand même qu'il y a un certain paradoxe, que l'impact de l'entreprise sur l'écosystème est certes un élément qui est de plus en plus considéré, mais pour autant, on a d'autres critères de sélection. Par exemple, la rémunération ou le plan de carrière, qui restent des éléments particulièrement regardés par cette population.
Donc c'est ici, aujourd'hui, tout le challenge des entreprises, à force de parler de sens, de raison d'être, de mission, d'impact, on peut aussi oublier que parfois, ça ne correspond pas aux attentes de l'ensemble des collaborateurs sur le marché du travail. Du coup, la question que l'on se pose aujourd'hui, c'est comment trouver l'équilibre sur l'ensemble des attentes de vos collaborateurs ?
Jean-François Connan :
"Dès le début, je n'étais pas très à l'aise avec la notion d'épanouissement. On peut parler de qualité de vie au travail, mais le fait d'aller bosser en étant heureux, l'épanouissement, je pense que c'est quelque chose qui est plus complexe et qui embarque par définition, des choses très personnelles. Ce qui me semble évident en tout cas, c'est que l'équation est beaucoup plus complexe qu'elle a pu être à un moment.
Les critères classiques de qui était le secteur d'activité, la taille de l'entreprise, est-ce que celle-ci est à l'international, le salaire... Tout ça, c'était des critères qui étaient installés depuis très longtemps. On voit qu'ils sont encore solides sur la deuxième étude, mais les questions d'organisation, de travail, l'objet même du métier permet de rester compétitif.
On a certains jeunes qui excluent des secteurs d'activité entiers. On a entendu des prises de parole, il y a en tout cas des jeunes aujourd'hui qui se disent, je n'irai pas travailler dans le secteur, pétrolier, l'armement ou encore tel ou tel autre secteur.
Et puis, il y a aussi des choses qui sont très nouvelles, c'est le fait qu'on puisse comparer entre deux entreprises du même secteur. On va aller chercher, celle qu'on appelle dans le monde de la RSE, le meilleur de la classe, parce que je suis dans cette entreprise-là, il semblerait que les collaborateurs soient mieux traités. Il semblerait qu'ils soient plus regardants sur la politique de responsabilité sociale.
Une petite remarque quand même, c'est que ces études s'adressent à ce qu'on appelle dans le marché du travail des gens qui vont être de toute façon des insiders, c'est-à-dire qu'ils ont le choix. Quand on sort d'une grande école de commerce, quand on a fait des études universitaires, robustes, on est un acteur qui a le choix de ses rôles. Lorsque vous êtes le niveau de formation et niveaux de qualification le plus bas, sur des territoires peut-être un peu moins favorisés, la question du choix est différente. Il y a une priorité à trouver du travail rapidement, donc c'est plus tard peut-être que la personne se posera la question de ses choix.
Ensuite, les questions de responsabilités sociales et environnementales, ça relève de la stratégie de l'entreprise.
Pour être compétitif, si on veut attirer les bons candidats, on va essayer de ne pas se démarquer seulement d'un côté ou de l'autre, c'est savoir donner un peu plus si on veut attirer les meilleurs candidats.
Cependant, la stratégie de responsabilité sociale, elle est vraiment propre à chaque entreprise, donc un jeune qui regarde la stratégie et les enjeux de l'entreprise vont forcément se questionner sur ce qui fait tourner la boîte, ce qui l'a fait agir, ce qui l'a fait se développer et où est ce qu'elle veut agir demain ?"
Anthony Mollé :
"Ces études sont vraiment révélatrices sur différentes dimensions, de l'engagement d'un collaborateur dans une organisation. En termes de sens au travail, des psychologues du travail ont réalisé de grosses réflexions chez Civitime, sur les différents leviers pour permettre d'engager des salariés dans l'entreprise.
Quand on parle d'engagement dans une organisation, une entreprise, il y a deux types d'engagement. Il y a toute la partie que l'on appelle l'engagement calculé et une autre que l'on nomme engagement affectif. L'engagement calculé va représenter les personnes qui vont s'engager dans une entreprise parce que leur métier leur plaît, parce qu'ils aiment les perspectives d'évolution et le niveau de rémunération.
Cet engagement calculé était extrêmement plus fort avant, comme le disait Jean-François, que maintenant. Maintenant, il y a un équilibre qui se fait avec la deuxième partie, ce qu'on appelle l'engagement affectif qui est complètement différent. C'est-à-dire que je vais m'engager dans mon entreprise parce que je m'identifie à elle. Je me sens aligné avec ses valeurs, avec ce qu'elle met en place. Je sens qu'en tant que collaborateur, quel que soit mon poste je contribue à quelque chose qui est plus grand que moi.
On a eu un échange de préparation assez intéressant sur cette dimension de raison d'être aussi. Je sens que je contribue à ça et c'est ce qui va faire que je vais avoir cet engagement effectif envers mon entreprise. On était peut-être il y a cinq ou dix ans sur un déséquilibre entre justement cet engagement calculer et cet engagement effectif qui est en train de se rééquilibrer, ce qui est plutôt intéressant. C'est-à-dire qu'aujourd'hui typiquement si on se base uniquement sur l'engagement calculé c'est un peu ce qu'on voit dans d'autres pays, sans faire de caricature. Par exemple, aux États-Unis, l'engagement calculé est très fort, ce qui fait que si j'obtiens une meilleure proposition dans une autre entreprise, je pars, parce que je ne suis pas forcément attaché à ma boîte. Je n'ai pas d'engagement affectif, donc si un concurrent me propose une meilleure offre, je n'hésite pas à changer d'entreprise."
Jean-François Connan :
"La raison d'être, après tout, c'est l'objet. C'est l'objet de l'entreprise, posé de façon un peu plus intelligible et ambitieux. Peut-être moins technique mais c'est vrai que j'invite beaucoup, y compris mes collègues dirigeants, à revisiter l'objet de leur entreprise. À se poser la question de cette utilité parce qu'un objet c'est jamais la maximisation des profits. C'est la conséquence, la maximisation des profits. Un jeune, encore une fois, quelqu'un qui viendrait à découvrir l'entreprise, devrait s'attacher à l'objet de cette entreprise, à sa raison d'être.
Concernant l'engagement affectif et calculé, on retrouve le même parallèle dans les softskills et hardskills, où l'on retrouve un peu aujourd'hui, ce rééquilibrage par la reconsidération des softskills.
Selon mon interprétation je considère que ne pas vouloir travailler dans le secteur pétrolier, parce que c'est fortement contraire aux enjeux climatiques, ou à l'armement, parce que c'est contraire à mes valeurs, surtout s'il est controversé. Ce n'est pas de l'ordre de l'affectif.
C'est quelque chose de très robuste, c'est une conviction forte, une aspiration très profonde et pas seulement quelque chose qui me fait plaisir."
Julie Liénard :
"Pour rebondir je dirais qu'aujourd'hui, une entreprise est obligée de se poser la question sur ces trois sujets : impact, trajectoire et épanouissement, si elle veut pouvoir en tout cas aborder et répondre aux souhaits des collaborateurs qui sont déjà présents dans l'entreprise ou ceux qui veulent la rejoindre.
Dans le baromètre qu'on a mis en place avec Kantar, l'attente numéro 1 vis-à-vis du travail, ça reste la rémunération. Il faut être clair, c'est un point important. L'équilibre pro/perso, dont on entend de plus en plus parler et la question du sens au travail, l'impact, c'est effectivement d'autres critères qui sont pris en compte. Ça répond à comment je me retrouve aligné vis-à-vis de des valeurs que je souhaite porter ?
La notion de trajectoire pour moi, ça fait partie effectivement de l'évolution professionnelle et de ce que je viens chercher en termes de développement, de compétences, d'apprentissage. En quoi cette expérience va me permettre de développer quelque chose qui est important pour moi en termes de savoir-faire et de métier ?
Et puis le dernier point sur la notion d'épanouissement, c'est-à-dire à quoi je suis attaché ? Quel est le rythme qui me convient bien et qui me permettra effectivement d'être dans de bonnes conditions pour me sentir épanouie ou serein.
Sur cette étude, on parle beaucoup des diplômés Bac+5, néanmoins, je me permets un petit aparté, on a quand même des tensions qui sont de plus en plus fortes dans le domaine de la production et de l'industrie.
On a des métiers qui sont en train d'évoluer et qui sont en train de changer, notamment avec cet enjeu de réindustrialisation pour la France. Et ce qui est intéressant aujourd'hui, c'est que le pouvoir entre guillemets n'est pas seulement au bac+5, mais aussi à des ouvriers spécialisés, des techniciens qui ont des compétences particulières et je pense que Jean-François pourrait certainement témoigner.
Aujourd'hui, quelquefois il est plus simple, d'aller chercher un cadre ou un cadre dirigeant que d'aller chercher un technicien, parce qu'effectivement, l'enjeu de l'attractivité repose sur ce que l'entreprise est capable de donner en termes de rémunération, de conditions de travail l'entreprise et quel sens elle est capable d'apporter à ses équipes.
C'est pour ça aussi que l'intérim est un bon moyen, quelques fois, pour ces populations, de garder une notion de liberté, de pouvoir tester aussi plusieurs entreprises avant de s'engager sur un point important.
Cette évolution rebat un peu les cartes, mais on est obligés en tout cas en tant qu'entreprise, de se poser ces questions sur l'impact, la trajectoire et l'épanouissement si on veut pouvoir répondre aux attentes des collaborateurs."
Est-ce que pour vous, finalement, il faut choisir entre impact, trajectoire, épanouissement ? Est-ce qu'il faut trouver un équilibre ? Est-ce que d'une population à l'autre, il va falloir pousser plus un curseur qu'un autre ?
Julie Liénard :
"À mon sens, l'entreprise et le collaborateur ne doivent pas choisir entre ces trois notions. Ils peuvent prioriser mais pas choisir. En revanche, chacun à son rôle à jouer : l'entreprise, elle doit se poser la question sur les trois thématiques, notamment sur sa politique salariale pour être équitable en interne, éviter les frustrations, les désillusions et s'aligner sur ce point. D'un point de vue plus macro, en fonction de son secteur, elle doit pouvoir se poser la question de son impact et son utilité pour la société. Et ensuite effectivement, ça dépend de la maturité de l'entreprise, mais elle doit se poser la question de la trajectoire qu'elle peut offrir à ses collaborateurs."
Anthony Mollé :
"Tout à fait, pour illustrer mon propos, je prends l'exemple d'un comptable, il peut exercer exactement les mêmes missions et voir exactement le même plan de carrière, dans différents cabinets de comptabilité. Néanmoins, s'il y a un cabinet comptable pour qui l'objet ou la raison d'être, quelque chose à vocation plutôt sociale, sociétale ou environnementale tandis que les autres cabinets ont pour objet, d'établir des comptes pour leurs clients, l'impact est différent et celui qui sera perçu par ce collaborateur. Pour moi, les deux peuvent très bien s'imbriquer pour que l'impact soit encore plus fort. L'entreprise a un rôle crucial à jouer dans sa gouvernance et dans la vision qu'elle donne à ses collaborateurs."
Jean-François Connan :
"La notion d'alignement est un bon résumé mais on pourrait tenter d'articuler, plutôt dire, il faut choisir les trois. Si je me mets à la place d'un collaborateur, d'un jeune qui rentre dans le marché du travail et que j'ai le choix de l'orientation, de la trajectoire, ce qui va déterminer/ motiver ma décision c'est l'impact que je souhaite avoir sur le monde et la société.
Si mon impact, mon choix d'impact sur la société, est quasiment nul, que le seul sujet qui m'intéresse, c'est très bien gagner ma vie et que je suis dans un environnement où on veut sauver le monde tandis qu'au bout du compte la rémunération n'est pas au rendez-vous, mon épanouissement ne sera pas au rendez-vous non plus. C'est normal, quelque part, il y a une causalité. C'est-à-dire que la trajectoire et l'impact sont très liés et de ces deux critères dépendra pour moi l'épanouissement, le bien-être En tout cas, le fait de se sentir bien dans son travail."
Selon le baromètre d'Imagreen réalisé en 2023, qui est intitulé le désengagement salarial lié à l'inaction ou au manque d'efficacité des actions d'une entreprise, et qui a été réalisée sur un échantillon de 1 000 salariés au sein des entreprises privées de 100 salariés et plus.
Cette étude met en avant le désengagement comme intimement liée à la dissonance cognitive entre le pro et le perso, puisqu'on voit que 9 salariés sur 10 jugent la situation sociale environnementale préoccupante. En effet, aujourd'hui c'est assez compliqué de passer à côté et en extrapolant un peu ce chiffre là-bas, ça nous amène à 3,7 millions de salariés qui ressentent un décalage entre leurs convictions sociales et environnementales de leur quotidien en entreprise.
Si on regarde encore un petit peu plus loin, ça nous donne à peu près 75 % des salariés qui aujourd'hui sont désengagés du projet de leur entreprise parce qu'ils ressentent un réel conflit. Quelle stratégie faut-il adopter pour faire face à cet effet de dissonance cognitive qui est grandissante et qui est extrêmement coûteux pour les entreprises, on parle de perte de productivité et de risque, à terme, d'impacter la performance vraiment globale de l'entreprise.
Julie Liénard :
"Il n'y a pas une stratégie mais plusieurs, ça dépend effectivement du contexte de l'entreprise. Pour illustrer, chez Imagreen, l'un de nos clients est spécialisé dans les énergies renouvelables. Alors c'est un secteur en très forte croissance, qui rencontre beaucoup de difficultés en termes de recrutement puisqu'il y a peu de compétences sur le marché. Ils sont vraiment face à une pénurie de main d'oeuvre du fait de la croissance, ce qui vient aussi désorganiser les collaborateurs en interne, effectivement, ils se posent des questions qui doivent grandir avec l'entreprise. Ils ont donc travaillé sur une démarche intéressante. Ils se sont dit OK, il faut vraiment qu'on puisse repenser notre raison d'être avec le volet RSE.
Contrairement à ce qu'on peut penser, quelquefois, les acteurs de l'environnement ne sont pas toujours les meilleurs élèves puisqu'ils ont déjà un impact en termes d'activité. Ainsi, c'était très intéressant de les écouter et de les accompagner là-dessus. Nous les avons amenés à réfléchir sur leur raison d'être, les objectifs qui en découle au niveau stratégique et surtout la manière de faire ruisseler la RSE sur l'ensemble des enjeux pour l'entreprise.
On se rend compte que le collectif est au coeur du réacteur, ça permet à chacun de pouvoir s'exprimer, participer, se sentir engagé et de faire avancer la réflexion pour ensuite agir.
Ensuite, cette stratégie RDSE découle au niveau de la politique, mais également au niveau de la marque employeur et ça vient impacter directement la notion de fidélisation et d'attractivité.
Un autre exemple, la communauté urbaine de Dunkerque s'est lancé un projet très ambitieux de décarbonation du port de Dunkerke. Ils ont créé un projet qui s'appelle Dunkerke, l'énergie créative, et pour vous donner un ordre d'idée cela représente 21 % des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national du secteur industriel. C'est une très belle perceptive d'arriver à réduire ces gaz jusqu'à atteindre cet objectif de neutralité carbone. Cela impact très fortement le secteur industriel français, les parties prenantes de cette politique se sont vraiment emparés de ce sujet pour repenser le territoire.
Ce qui est intéressant dans le baromètre, c'est que toutes les couches socioprofessionnelles avaient à peu près le même constat et les mêmes idées, sur territoire du Dunkerquois. L'enjeu, c'est de se dire que les métiers de demain, ce sont ceux de l'industrie. On tend vers une industrie qui va être décarbonée, que qui implique de chercher de nouvelles compétences qui n'existent pas ou qui vont devoir évoluer. D'où l'enjeu d'attractivité très fort puisque ça fait 30 ans qu'on explique à notre génération et celle qui arrive que si on travaille mal à l'école, on finira à l'usine, tandis que l'enjeu contraire, c'est de se rendre compte que les métiers d'avenir sont dans l'industrie à tous les niveaux. Il faut donc redonner du sens, en quoi je participe à cet enjeu de décarbonation et fait en sorte que mon impact soit positif au niveau de la société et de l'environnement ?
Tout l'enjeu pour la communauté urbaine, c'est de faire en sorte que les gens puissent s'approprier ce projet et se projeter à travers celui-ci qui prévoit la création de 16 000 emplois d'ici à 5 ans."
Anthony Mollé :
"Justement cet engagement se base principalement sur les étapes de la conduite du changement. C'est l'approche qu'on utilise pour engager des collaborateurs dans quatre étapes qui sont indispensables.
La première étape c'est la phase de sensibilisation où l'on va vraiment avoir une approche très macro de ce qu'est la RSE. L'objectif, c'est vraiment de faire prendre conscience aux collaborateurs des enjeux auxquels l'entreprise est confrontée et qu'ils soient sensibilisés sur ce sujet.
Cette étape est cruciale parce que de manière générale, un individu ne va jamais s'engager à réaliser des actions s'il ne maîtrise pas en amont le sujet. Les émissions de CO2, c'est quoi ? Si je n'ai pas un minimum de maîtrise sur ces sujets, ça va être beaucoup plus compliqué derrière de les faire passer à l'acte parce qu'il manquera toujours le pourquoi. Pourquoi je fais ça ? C'est l'erreur que font beaucoup d'entreprises. Les entreprises ont commencé à parler d'économie d'énergie et d'efficacité énergétique. Leur premier réflexe c'est de communiquer auprès des collaborateurs pour passer à l'acte en leur faisant penser à éteindre les lumières et débrancher ses appareils par exemple, mais on oublie de donner du sens. De plus, l'entreprise se doit d'avoir ce rôle d'exemplarité, c'est-à-dire que si elle demande au collaborateur de venir en vélo par exemple, elle doit lui montrer d'abord ce qu'elle a mis en place dans le cadre d'un plan de mobilité douce d'entreprise.
La deuxième phase qu'on appelle l'adhésion consiste à montrer au collaborateur ce que l'entreprise met en place pour répondre à ces enjeux. La feuille de route va prendre encore plus de poids parce qu'en amont on va vraiment créer cet alignement.
La troisième étape c'est l'implication, maintenant que le collaborateur a compris pourquoi et ce que met en place l'entreprise, on va l'encourager à devenir acteur de cette stratégie.
La dernière étape, c'est la phase de valorisation pour faire de vos collaborateurs des ambassadeurs.
La problématique auxquelles les entreprises sont confrontées, c'est que tous les collaborateurs, quel que soit le secteur d'activité, croulent sous l'information. Quel que soit le canal de communication utilisé, la RDE n'est pas encore perçue. En tout cas dans les entreprises n'est pas encore un élément suffisamment stratégique pour que les collaborateurs perçoivent encore l'importance.
Par exemple, on travaille beaucoup dans le secteur bancaire et le retour des collaborateurs sur leur engagement, c'est un problème de temps, parce qu'ils ont des objectifs commerciaux, donc n'ont pas de temps passé sur ses sujets. Il y a toujours un contexte métier qui revient et qui s'impose sur la RSE.
À partir de ce constat, on a 2 possibilités :
Et c'est là où la gamification et l'utilisation des mécaniques de jeu sont extrêmement puissant. Le fondement de la gamification, c'est de transformer une activité qui peut être perçue comme contraignante en une activité qui va être stimulante et source de plaisir. Et c'est comme ça qu'on intervient chez nos clients, c'est-à-dire qu'à partir de nombreux leviers de motivation on va motiver les collaborateurs à réaliser des actions.
L'influence sociale, par exemple, est un levier de motivation, c'est-à-dire que je vais réaliser un parcours de formation et de sensibilisation parce que je sais que tous mes collègues du service, tous mes collègues du bureau l'ont réalisé.
La maîtrise est un autre levier de motivation, c'est le fait de percevoir que je vais gagner en compétences à travers le projet. Je vais maîtriser davantage ce sujet et devenir une meilleure version de moi-même.
Voilà l'intérêt que peut avoir la gamification, elle permet d'agir sur ces différents leviers, avec des petites astuces pour susciter l'envie."
Revient souvent la question de la rentabilité des actions RSE que l'on peut proposer en interne. Comment mettre des € en face d'un taux de turnover, de la rétention des employés ou encore d'une performance accrue via un engagement plus grand ? - Quentin C.
Jean-François Connan :
"Chez Adecco, dès le début, nous nous sommes positionnés sur les questions diversité mais surtout la lutte contre les discriminations.
Parce que la diversité, c'est la conséquence d'une lutte contre les discriminations efficace et d'une égalité de traitement. Notre métier c'est de mettre à disposition du personnel pour les entreprises, mais si on doit aller chercher des métriques, aujourd'hui, je peux vous dire que la délégation de personnes en situation de handicap chez Adecco dégage un chiffre d'affaires de 60 millions d'euros. C'est parce que l'on travaille pour l'emploi des personnes en situation de handicap qu'il y a derrière une facturation.
On a développé depuis maintenant 25 ans, un réseau de structures d'insertion par l'activité économique à travers lequel nous sommes associés à des acteurs majeurs de l'économie sociale et solidaire. Aujourd'hui il y a 12 000 personnes en parcours d'insertion par an et c'est une activité qui représente 150 millions de chiffre d'affaires.
L'intérim est un métier très concurrentiel mais parce qu'on se positionne sur ce réseau de social business, on va influencer le profil et l'engagement des collaborateurs que l'on souhaite attirer et ça impact également directement la rétention des collaborateurs."
Julie Liénard :
Je ne sais pas si tout se mesure mais on sait mesurer le coût du désengagement, celui d'un recrutement et lorsqu'on met en place des actions il est intéressant d'identifier des métriques en face de celles-ci. On peut parler de délais de recrutement, de nombre de CV par exemple, de rayonnement de la marque employeur... Ce sont des métriques très simple à appréhender et lorsqu'elles sont couplées avec une enquête de satisfaction auprès des collaborateurs elle permet d'identifier les performances et les potentielles améliorations pour la suite.
Il est important de suivre des métriques plus qualitatives, par exemple faire un entretien de sortie pour comprendre quelles sont les raisons qui font que les personnes quittent l'entreprise. "
Jean-François Connan :
"C'est aussi des attentions a tous les niveaux de formation et de qualification. Par exemple un intérimaire va être très attentif à la rapidité de trouver du travail, au bon niveau de qualification, au niveau de salaire. Il va aller chercher de la souplesse et être regardant sur ce qu'on appelle les externalités négatives. C'est la santé au travail, les accidents de travail, la discrimination et la précarité.
Il est donc nécessaire de les informer sur les questions de sécurité. Sur leur droit de se retirer d'un chantier à risque par exemple.
On a également mis en place une cellule pour traiter les situations de discrimination, des questionnements et on est constamment attentif à ce que remontent tous nos intérimaires sur la précarité. C'est pour ça qu'on a développé des CDI intérimaire. 18 000 personnes sont en intérim et en CDI actuellement.
Toutes ces solutions de sécurisation on fait de l'intérim, qui est par définition précaire, une sécurisation qui vient répondre à ces attentes."
Pour conclure, aujourd'hui on ne doit pas choisir entre impact, trajectoire et épanouissement, l'entreprise doit définir, qui elle est, comment elle agit, ce qu'elle propose et être très transparente envers tous ces collaborateurs, pour éviter cette forme de désillusions, de frustration qu'on peut retrouver chez des collaborateurs désengagés.
Il y a un lien de causalité, le choix d'orientation de la trajectoire du collaborateur va dépendre de l'impact qu'il souhaite donner à sa vie professionnelle pour s'épanouir.
Si vous souhaitez attirer des personnes, qui ressemblent à votre entreprise il faut travailler sur l'environnement et le sens que vous êtes en mesure de leur offrir.
N'attendez pas d'avoir une stratégie et d'établir une feuille de route pour faire savoir à vos collaborateurs ce que vous mettez déjà en place parce que c'est un levier d'attractivité et de fidélisation.