Anthony Mollé, CEO de Civitime, a eu le plaisir d'animer une table ronde : "Comment impliquer ses équipes dans sa démarche RSE et la transformer en un puissant levier d’engagement ?" en compagnie de Cécilia Scalvini, Directrice culture, communication interne et développement des talents chez Petit Bateau et Stéphane Prudhomme, directeur planning stratégique chez Imagreen.
3 étapes ont rythmé ce webinaire :
Cette table ronde s'est rythmée autour de plusieurs questions et sujets centraux.
Le replay de cette table ronde est disponible en format vidéo, juste ici.
Et voici la retranscription écrite :
“La RSE une fonction auparavant satellite, aujourd’hui au coeur du modèle d’affaires” ; “78 % des répondants ont fait de la RSE un membre permanent de leur COMEX” ; “En poste ou en recherche de poste, les individus privilégient les emplois dont ils comprennent et valorisent le sens.” - Source : La RSE : nouvelle priorité stratégique des entreprises ? Wavestone, 2022
4 salariés sur 10 sont en pleine dissonance cognitive entre leurs convictions citoyennes et la vie d’entreprise et 9 salariés sur 10 jugent la situation sociale et environnementale préoccupante, selon le baromètre du désengagement salarial lié à l’inaction ou au manque d’efficacité des actions RSE en entreprise, Imagreen et Kantar, 2022.
Stéphane Prudhomme :
“Il est interessant de comprendre ces chiffres qui sont issus du baromètre, les salariés sont avant tout des citoyens, et depuis les premières secousses visibles du dérèglement climatique, les enjeux sociétaux et environnementaux occupent autant la sphère privée que la sphère professionnelle. Par conséquent, une partie des salariés vont ressentir ce décalage entre leurs convictions personnelles et les 8 heures qu’ils vont passer en entreprise. Encore plus, si l’entreprise en question semble inefficace dans les réponses qu’elle apporte au quotidien face à ces enjeux. Inévitablement cette prise de conscience commence à influence progressivement voire significativement les choix des parcours professionnels.
Chez Imagreen, depuis plus de 10 ans, nous avons un volet d’accompagnement sur tout ce qui concerne le recrutement et le détachement de compétence, c’est d’ailleurs le premier métier du cabinet. Depuis la crise sanitaire, on constate clairement un flux de candidatures spontanées de personnes qui recherchent soit à se reconvertir sur des fonctions RSE, soit à mettre à disposition leur expertise au service d’enterprises qui sont plus contributives sur le sujet.
C’est ce constat qui nous poussé à créer ce baromètre et nous avons régulièrement des cadres RSE qui nous partagent, à demi-mot, leur frustration quant à la vision stratégique de leur entreprise. Derrière ces aveux officieux, se cache inévitablement une attitude d’écoute du marché de l’emploi pour identifier des projets plus contributifs.
Ainsi, le premier levier de la transition, c’est d’abord la volonté des femmes et des hommes, d’agir plus vite et plus efficacement dans leur organisation. Ne pas prendre en compte l’évolution de ces exigences conduit au mieux, à limiter l’attrait des talents et participer au désengagement des collaborateurs en poste, au pire, conduire à une fuite des talents.”
Cécilia Scalvini :
“Le choix qui a été fait chez Petit Bateau, c’est de réellement mettre la RSE au coeur du modèle d’affaires, depuis plusieurs années maintenant. Ce choix de mettre une directrice RSE au COMEX à été fait parce que c’est la mission du groupe Rocher qui est de reconnecter les Hommes à la nature, auquel appartient Petit Bateau, qui a pour raison d’être de reconnecter les enfants à la nature.
Au regard de l’impact du textile, qui est une certaine évidence, c’est une remise en question de notre métier pour trouver le moyen de faire du mieux possible et de la façon la plus durable possible en mesurant l’impact que l’on a. Ce choix est donc crucial puisque lorsqu’on parle d’un choix des candidats, on parle de la rencontre de deux volontés : de l’employeur de recruter un futur collaborateur et surtout du candidat d’avoir envie de travailler pour une marque inspirante.
Aujourd’hui ce choix à un impact en amont, puisque la communication que l’on fait autour de nos actions concrètes, attire nécessairement des candidats qui ont un degré de sensibilité assez fort sur le sujet ou en tout cas sur les thématique RSE de façon très globale. Pour aller plus loin, dans notre processus de recrutement, c’est quelque chose qui est très clairement abordé puisque dans chaque métier, chez Petit Bateau, il y a une dimension de la réalisation de nos missions qui est liée à un objectif RSE. Tous les ans ces objectifs RSE individuels et collectifs sont évalués par nos managers, par nos pairs au niveau de Petit Bateau et au niveau du Groupe.”
Anthony Mollé :
“Chez Civitime, la RSE est au coeur de notre business et c’est un vrai levier d’attractivité. Nous avons eu une forte période de recrutement sur les mois passés, on se rend compte que l’un des premiers critères chez les candidats qui postulent chez nous c’est notre activité et le fait qu’on travail sur l’engagement RSE des collaborateurs en entreprise. Ce constat c’est davantage renforcé depuis que nous sommes certifiés B Corp, ce label représente les forts engagements que nous avons pris en terme d’organisation.
Le collectif d’étudiants, Pour un réveil écologique, ont créé en 2018 un manifeste avec plus de 33 000 signataires pour exprimer leur refus de travailler pour des entreprises qui ne sont pas socialement, sociétalement et environnementalement responsable. C’est un signal fort pour les employeurs qui sont susceptibles d’être challengés par les candidats pour savoir à quel point ils mettent en place des actions RSE.
Pour revenir sur la question de la communication, faire savoir les actions RSE mises en place sans être dénoncé de greenwashing représente tout l’enjeu des entreprises. Lorsque l’on met en place la RSE il est évident de ne pas être irréprochable sur tous les volets, il y a forcément des écarts de progressions sur l’ensemble des différentes thématiques. Ainsi, nous pensons que le meilleur porte parole de la stratégie et de l’engagement RSE de l’entreprise c’est les collaborateurs. Chez Civitime, nos programmes d’engagement s’attachent à amener les collaborateurs jusqu’à cet état d’ambassadeurs, de promoteurs de la stratégie RSE de leur entreprise.”
Stéphane Prudhomme :
“On constate qu’il n’y a pas de différence en fonction de la tranche d’âge, du secteur d’activité et du poste occupé. Aujourd’hui nous sommes face à des prises de conscience et des problématiques qui touchent toutes les typologies de collaborateurs, peu importe le secteur d’activité dans lequel ils vont évoluer.”
Cécilia Scalvini :
“Pour compléter, au sein de nos différentes populations chez Petit Bateau, on a une répartition sur l’ensemble des classes d’âge et sur différentes fonctions au sein de l’organisation, dans les boutiques, l’usine ou encore la supply chain, on ne remarque aucune différence. La notion d’engagement est propre à chacun, c’est pourquoi aujourd’hui l’enjeu est de mesurer le niveau d’éveil et d’acculturation des individus lissé indépendamment des tranches d’âge.”
Stéphane Prudhomme :
“On peut cependant remarquer des différences de considération entre les différents volets de la RSE selon les fonctions : potentiellement les fonctions supports vont avoir une sensibilité beaucoup plus générale qui va intégrer l’ensemble des piliers de la RSE, tandis que, les fonctions opérationnelles vont plutôt être sur le plan social issu de la considération au travail, ce qui va amener à étudier des sujets de sensibilisation différents au sein des équipes mais le sujet de la RSE reste posé sur la table et tout le monde le prend à bras le corps.”
Cécilia Scalvini :
“Si une entreprise veut encore exister demain, cela s’imposera à elle rapidement. On le voit aujourd'hui, le degré de différenciation sur le marché se créé sur la base de la RSE, que ce soit au regard des talents et à celui du chiffre d’affaires.
Si on regarde le domaine du textile, ces derniers mois on remarque une disparition de certaines marques de l’habillement en raison principalement d’un modèle d’affaires où la RSE ne jouait pas un rôle central. Donc à défaut d’être obligatoire, je pense que c’est déjà nécessaire.”
Stéphane Prudhomme :
“De plus, la loi Pacte impose aujourd’hui une gestion responsable de son activité, même si des contrôles ne sont pas en place cela reste une obligation pour l’entreprise.”
Anthony Mollé :
“D’autres règlementations, comme par exemple les bilans carbone, qui sont instaurés dans les entreprises de plus en plus petites, vont amener à mettre en place des démarches pour respecter ces exigences. À partir du moment où l’on mesure et met le doigt sur quelque chose de nouveau en terme d’impact, les entreprises doivent s’améliorer en continu et la RSE découle de ces progrès.”
1 salarié sur 3 ne sait pas si son entreprise est structuré avec un service ou une direction RSE - baromètre du désengagement salarial lié à l’inaction ou au manque d’efficacité des actions RSE en entreprise, Imagreen et Kantar, 2022.
Stéphane Prudhomme :
“Au regard de ces chiffres, il y a plusieurs solutions pour palier cette désinformation et ce manque d’implication. Soit on part de la sensibilisation pour aller progressivement vers l’implication, soit on commence directement pas la phase d’implication et la sensibilisation devient culturelle. Cela dépend de l’ADN de l’entreprise, son passif et son mode de gouvernance. Peu importe l’approche et les outils, le plus important est la finalité, c’est-à-dire, que les collaborateurs aient un niveau de compréhension de plus fin possible du contexte dans lequel ils évoluent pour donner l’envie de se mettre en action.
Le but ultime de la sensibilisation est d’aligner toute l’organisation, d’avoir un langage commun et de comprendre les échelles de grandeur. Je recommande l’avancement de façon granulaire, c’est-à-dire, par secteur et par métier, pour la raison que les enjeux de la mobilité ne sont pas les mêmes que ceux du retail et les enjeux de l’alimentaire sont encore différents… Pareil pour les métiers, les enjeux du contrôle de gestion ne sont pas les mêmes que ceux de la transformation du sourcing ou encore de la communication…
Il faut identifier toutes les bonnes pratiques déjà en place et à généraliser ainsi que tous les axes de progression sur les différentes thématiques, en vue de réduire ces externalités avec un plan d’actions concret, co-construit avec les équipes pour leur garantir un sens et une évolution.”
Cécilia Scalvini :
“Il faut avoir une approche structurée et la première action est d’informer, de mettre à disposition des données, faits… qui vont ensuite susciter des émotions afin de passer à l’action. Ce que l’on attend des collaborateurs ce n’est pas simplement d’être sensibilisé mais c’est également d’agir.
La stratégie se construit ainsi sur 3 phases : sensibilisation - animation - action”
Anthony Mollé :
“Pour compléter, ce qui est important dans la phase de sensibilisation, c’est que les collaborateurs atteigne un sentiment de maîtrise du sujet. Les psychologues du travail l’appelle la norme d’internalité. Le collaborateur ne prendra pas d’initiative sur la thématique s’il n’a pas le sentiment de la maîtriser. Pour faire le lien avec la gamification, les mécaniques de jeu permettent de suivre la progression au sein d’une phase de l’engagement ainsi que sur l’ensemble de la boucle. Cette progression va accroitre la motivation du collaborateur et renforcer sa prise d’initiatives.
La phase d’adhésion est centrale, elle donne du relief aux engagements que portent l’entreprise, c’est-à-dire, diffuser aux collaborateurs ce qu’elle met en place pour répondre aux enjeux RSE. Ce passage est indispensable : aligner le collaborateur et l’entreprise pour susciter l’implication dans la prochaine étape. Il faut qu’il y ai une exemplarité de la part de la direction sur le sujet pour que le reste des collaborateurs d’engagent à leur tour et y trouve un rôle à jouer. A l’issue de cette phase, on observe des groupes d’appartenance / de références qui sont prêts à pleinement s’impliquer.
Ainsi, lors du passage à l’action, les entreprises doivent mettre à disposition les ressources nécessaire aux collaborateurs (ex : de la formation sur de nouveaux outils) pour agir. L’essentiel est de créer une dynamique collective pour mettre en place des actions concrètes.
Les collaborateurs ont ensuite toutes les cartes en main pour valoriser, aussi bien en interne qu’en externe, la stratégie RSE de leur entreprise et leur manière d’y contribuer.”
Cécilia Scalvini :
“Le rôle des RH est d’adopter celui des business leaders en se disant qu’on est pas seulement la pour que le business se porte bien, il faut être capable d’incarner nos convictions dans ce que l’on propose au quotidien. À partir du moment où les sujets de RSE sont complètement inhérents à l’ensemble de la stratégie (RH, communication…), on peut se servir des forces en interne à part de la direction et faire du collectif une force sur ce sujet la.”
Stéphane Prudhomme :
“Si vous êtes dans une entreprise où à un moment donné la direction n’a pas la volonté d’agir, c’est un facteur très limitant. Il y a néanmoins des choses à essayer et le concept que je peux donner et celui de consolider ce collectif en interne, de définir la raison d’être de ce collectif et d’imaginer quelque chose de complémentaire à la mission globale de l’entreprise. Définir ensuite avec les collaborateurs autour de la table un plan d’actions réalisables, le mettre en place et faire un bilan à transmettre à l’équipe de direction en leur expliquant cette activité et leur montrant cette complémentarité pour susciter l’adhésion de votre direction.”
Anthony Mollé :
“Nous sommes confronté parfois à cette question chez Civitime, lorsqu’un responsable RSE souhaite mettre en place nos outils, il faut l’adhésion du CODIR qui ne considère pas toujours ce type d’actions comme une priorité. On se rend compte alors que dès la mise en avant du lien entre l’engagement des équipes dans la RSE et la marque employeur, le sentiment d’appartenance, la fidélisation des talents et la baisse du turn-over, la gouvernance y trouve une plus grande marque d’intérêt. La réponse à cette question malheureusement est de réussir à démontrer le lien entre l’engagement des collaborateurs et la performance sur l’activité de l’entreprise.”
6 salariés sur 10 considèrent ne pas être assez impliqué dans toutes les questions sociales et environnementales dans son entreprise. - baromètre du désengagement salarial lié à l’inaction ou au manque d’efficacité des actions RSE en entreprise, Imagreen et Kantar, 2022.
Stéphane Prudhomme :
“Les facteurs du désengagement aujourd’hui sont pluriels, dans le top 3 on retrouve la question salariale, celle de l’équilibre vie pro/vie perso et celle du sens de sa mission et de celle de l’entreprise. Ce qui est intéressant de noté, c’est que si le sens de la mission du collaborateur à toujours été un facteur de désengagement en entreprise, aujourd’hui elle est corrélée à celle de l’entreprise. C’est finalement révélateur de cette dissonance, ce conflit psychologique entre ses convictions personnelles et son activité au sein de son entreprise.
Ce désengagement a des conséquences au sein et à l’extérieur de l’entreprise sur la productivité et la prise d’initiatives : un quart des salariés font le minimum au quotidien ; plus d’un tiers ont des conflits avec leurs collègues ; une mauvaise communication sur la stratégie de l’entreprise qui peut avoir des conséquence en terme d’image de marque. 78 % considèrent que cette situation pèse sur leur moral quotidien et impacte leur vie privée, entrainant un risque d’augmentation du nombre d’arrêts maladies. La conséquence ultime de ce désengagement est la fuite des talents, ainsi, le coût de l’inaction est supérieur au coût de l’action.
L’enjeu pour les entreprises est donc de prévenir ces situations d’épuisement professionnel qui sont nourrit par un manque de sens sociétal. Les leviers à disposition sont la sensibilisation, la communication et la transparence de la direction vers l’ensemble des collaborateurs sur les stratégies et actions mises en place pour assurer un maintien du sens des collaborateurs sur leurs missions pour limiter les potentiels frustrations.”
Cécilia Scalvini :
“C’est quelque chose qui s’expérimente au quotidien, l’élément clé pour éviter cette notion de désengagent et la fuite des talents, c’est de se remettre en question et s’interroger sur l’alignement de ses collaborateurs à travers les missions quotidiennes. À quel moment une faille intervient ? Il primordial pour les entreprises de mettre la RSE au coeur du business et qu’elle soit incarnée par les managers et les dirigeants pour que les collaborateurs y trouve leur place, un rôle et un sens au quotidien.
Transformer la culture en entreprise prend du temps, ces une combinaisons de pleins de petites choses, de prises de recul, de vulgarisation et de transparence sur les sujets RSE. Pour changer une culture, il faut que l’ensemble du collectif d’une entreprise ai envie et oeuvre en sa faveur.”
Anthony Mollé :
“La problématique principale pour mesurer l’engagement des collaborateurs dans la durée, c’est que le niveau d’engagement n’est pas global, chaque collaborateur, chaque service de l’entreprise possède un niveau de maturité différent dans tel ou tel pilier de la RSE. Il est donc important d’adapter les messages que l’on souhaite véhiculer en fonction du niveau d’acculturation des collaborateurs.”
Cécilia Scalvini :
“Le seul que je mettrais en avant en complément, c’est la mesure du taux d’engagement, qui fait partie d’une stratégie d’écoute des collaborateurs et qui est lié au sujet de la QVT globalement. Pour cela, il est facilement possible de mettre en place des enquêtes de satisfaction/expérience collaborateurs, au niveau du Groupe Rocher nous en avons une annuelle d’une vingtaines de questions et que l’on diffuse à nos collaborateurs depuis plusieurs années. Cela leur permet de s’exprimer notamment sur leur attachement à notre entreprise. Être attentif et mesurer est un des leviers pour maintenir l’engagement des collaborateurs.”